Sarah Wagner

Avant de se voir répondre "oui" par un éditeur, il peut se passer du temps. Beaucoup de temps. Ils sont rares les auteurs dont les premiers projets sont acceptés en 48h par les directeurs de collection, et encore plus rares ceux qui survivent dans ce monde cruel...

Généralement la raison la plus courante de refus d'un projet chez un éditeur est la fameuse "ligne éditoriale". Les auteurs reçoivent un laconique courrier leur expliquant que malgré toutes ses qualités, leur "projet ne rentre pas dans la ligne éditoriale" de ce qu'ils souhaitent publier. Et s'il est très rare de recevoir des refus motivés, il n'est pas rare par contre de ne recevoir aucune réponse à l'envoi d'un dossier.

Tout n'est pas si noir, et il existe quand même des directeurs de collection qui n'hésitent pas à rappeler et prendre le temps de vous expliquer de vive voix ce qui cloche dans votre scénario ou sur le dessin des pages que vous venez de soumettre.

Et puis il y a les réponses tordues, du genre "votre projet est vraiment génial, très professionnel, nous sommes certains qu'il trouvera rapidement un éditeur". Hmmm.... si mon projet est si génial que ça pourquoi vous ne le prenez pas vous alors ?...

"Sarah Wagner" fait partie de ces projets auxquels je croyais dur comme fer.

La quarantaine, Sarah Wagner est une femme dynamique dont le temps se partage entre son métier d'enquêtrice pour une compagnie d'assurance et sa vie de famille auprès de ses enfants.

Chargée des premiers éléments d'enquêtes lors de sinistres, elle est cependant frustrée de ne travailler que sur des enquêtes de moyenne importance, mais surtout de devoir passer la main à des enquêteurs indépendants lorsqu'un soupçon de fraude se présente. Elle travaille régulièrement avec Paul Granville, enquêteur indépendant proche de la retraite, qui a bien compris le potentiel de Sarah pour ce métier, et qui n'hésite pas à lui faire profiter de ses conseils avisés.

A quelques mois de la retraite, Paul Granville propose à Sarah de reprendre sa clientèle ainsi que ses dossiers en cours. Une opportunité que Sarah ne met pas longtemps à accepter; puisqu'elle sera basée à son domicile, elle pense ainsi pouvoir s'occuper plus facilement de ses enfants et se libérer de sa mère.

Le premier dessinateur à qui je parle du projet est Philippe Chapelle. Une conversation à l'occasion d'un repas me permet de me rendre compte que nous sommes sur la même longueur d'onde sur la manière d'aborder le personnage et il est d'accord pour me filer un coup de main sur l'élaboration de l'histoire. Il est à l'époque occupé à terminer un album et nous nous quittons en nous promettant d'en reparler.

Le temps passe et je rencontre Winoc qui a déjà un beau passé de dessinateur derrière lui avec 3 albums d'une série régionale sur le Nord-Pas de Calais, "Pierres du Nord", une participation à deux collectifs, un album auto-édité sur "Auguste Mariette" et qui termine le second sycle de "Cliff & C°" chez Bamboo. Il souhaite pouvoir enchaîner rapidement sur une autre série et est séduit par la présentation que je lui fait de "Sarah Wagner". Nous décidons donc de monter le projet ensemble. Pendant que je reprends contact avec Philippe Chapelle pour l'écriture du scénario de la première histoire, Winoc s'attaque à quelques recherches sur les personnages d'après les descriptions que je lui envoie.

Au bout de quelques semaines, nous sommes en possession d'un dossier de présentation de 4 pages encrées que nous faisons parvenir à plusieurs éditeurs. Nous nous sommes attachés à ne pas raconter uniquement les péripéties de la vie professionnelle de notre héroïne, mais nous montrons aussi sa vie privée, et la manière dont chacune influe sur l'autre. C'est ce qui nous semble intéressant et nouveau dans cette approche. Nos histoire ne vont pas se contenter de raconter les enquêtes d'un ènième enquêteur, mais à la manière des séries TV nous allons faire aussi évoluer nos personnages dans leur vie privée.

Le trait est élégant, sobre et la mise en page est dynamique. Winoc fait preuve dans cet essai d'une belle évolution dans son travail, c'est le style graphique avec lequel il souhaite travailler. D'ailleurs lorsque qu'il débutera son album suivant "Quai N°7", Hervé Richez chez Bamboo lui demandera de conserver ce style graphique.
Nous sommes persuadés de tenir là un projet qui a sa place chez un éditeur. Nous nous sommes vraiment investis sur les personnages auxquels nous avons créé un passé et quelqu'un qui saurait lire entre les lignes pourrait y voir les portes que nous laissons entrouvertes pour l'évolution de nos personnages. Le personnage de Paul Granville à lui seul, de part son passé, pourrait faire l'objet d'une série dérivée.

Nous avons reçu deux refus motivés pour ce projet. Bizarrement, les deux réponse provenaient de deux éditeurs différents et pourtant la réponse était identique.
L'histoire est bonne, bien écrite et le dessin est bon également. Mais... cette histoire n'est pas faite pour de la BD mais pour une série TV !!!

Allez comprendre ! Si je suis éditeur et que je vois passer une histoire qui pourrait faire une bonne série TV, je la publie et je me débrouille pour en vendre les droits audiovisuels.

Sarah est pour le moment repartie dans les cartons, mais elle fait partie des personnages sur le destin desquels je sais que je me pencherai de nouveau un jour.

Comments

[thomaspriou]

bon courage pour tes projets, ça va bien finir par etre accepté :)